Vin de Pays du Gard 2020
Roc d'Anglade

«Vigneron énervé, cherche tueur à gage pour éliminer un embouteilleur qui a ruiné toute une récolte... » Voilà la petite annonce qu’on aurait pu lire dans la gazette du petit village d’Anglade au moment où l’un de nos vignerons préférés, Rémy Pédréno, a perdu toute sa récolte de blanc 2021 à cause d’une défaillance technique à la mise en bouteille... Quelle poisse, quel enfer à vivre surtout ! Chers membres, vous ne rêvez pas, ce n’est pas un poisson d’avril, il n’y a pas de Roc d’Anglade blanc 2021 cette année, on enrage dans l’équipe, mais c’est ainsi... Heureusement, nous avons sécurisé quelques jéro de blanc 2020 et mis la main sur deux autres trésors de la cave dans cette couleur. Le premier, Anglada, est un pur grenache blanc dont les vignes ont fêté leur 7ème anniversaire en 2021... Très faible rendement, sur des terroirs calcaires et silicieux du village d’Anglade, que Rémy va chercher assez tôt dans la tradition maison. Dans le verre, c’est un blanc assez tendu, qui m’a bien bluffé. Je ne suis pas un grand fan des grenaches blancs d’habitude, car c’est toujours un peu mou, mais là pas du tout. Des agrumes, des fleurs blanches, du sel, un joli contraste entre gras sec et fine amertume sur le pomelos en finale. Belle surprise qui consolera les fondus du blanc du domaine en attendant 2022. Mitis 2019 fera un petit clin d’œil aux fondus de chenins de Vouvray, puisque c’est un moelleux qui naît à 60 grammes de résiduel à base de chasselas. Quand je dis fondus des vins de Vouvray, je fais référence à l’univers aromatique et au contraste sucre/acide de ce vin que Rémy avait initié en 2003 pour la toute première fois. Dans le verre, c’est ambiance pâte de coing, nèfle, mirabelle, livrés sur une liqueur qui ne sature pas les papilles. En y goûtant, je me suis dit : ça c’est pour une soirée de fin d’été, autour d’une tarte fine aux mirabelles... Avis à ceux qui, comme moi, craquent assez souvent pour une petite douceur ! En rouge, on retrouve bien, ces « Bourgogne du sud » ou plutôt ces rouges du sud façon Bourgogne, puisque c’est bien connu des aficionados du domaine, c’est un style frais, sapide, sur le fil que Rémy Pédreno cultive dans ses rouges. Lui qui voue une passion éternelle aux pinots de Bourgogne et qui fait dans sa région le type de vins qu’il aime boire ! Au cœur d’un fruit sauvage et percutant, le Roc 2021 affiche toutes ses ambitions et sa tonicité. Pas de glycérol ou de notes édulcorées sur cette vendange, c’est un profil fuselé de rouges du sud que vous retrouverez, il parlera comme les 2018, 2014 ou 2008, aux palais du nord. Le Reserva especial N° 10 est, quant à lui, un collector, 10ème tirage de ce projet un peu fou qui vise, comme pour l’Unico de Vega Sicilia, à assembler plusieurs millésimes. Le plus jeune a 18 mois, le plus vieux presque 60. C’est selon Rémy « le vin qui raconte une histoire, des millésimes et des sentiments » mais c’est surtout, à mon sens, un grand vin de gastronomie à ouvrir en période de chasse en octobre et novembre. Si vous aimez les reliefs épicés des carignans et la patine du temps qui fait son œuvre, vous allez être servis. Perso, je range cette bouteille pas très loin du rayon des Châteauneuf, mais lui colle une petite étiquette « OVNI » à servir à ceux qui ont déjà tout bu. N'hésitez pas à lui offrir une heure de carafe avant de le servir, ce vin bouge à toute vitesse et exprime son potentiel au contact de l’air ! Quant au rosé 2021, c’est une petite merveille de fraîcheur, il est sorti de la phase fermentaire, exprime avec panache ses notes de maras des bois et d’agrumes. Sortez le dès les beaux jours, sur vos premiers apéros avec quelques tapas... Il excelle dans cette situation !

Bon, on savait qu’on manquerait de flacons sur 2021, mais pas à cause de l’embouteilleur... Franchement, c’est un coup dur pour le domaine... Mais c’est ainsi, cela fait partie des tumultes de la vie d’un vigneron. Mon conseil sur ce millésime : ne manquez pas les rouges si vous aimez, comme moi, les rouges un peu fuselés du sud; passez votre chemin si vous recherchez des profils concentrés et puissants. Perso, je les sers à 6-7 ans, dans un beau verre à Bourgogne et me régale de ce cousinage entre le sud et le nord malgré la différence de cépages. Quant au rosé, c’est un vin abordable, immédiat, bien salivant. Il n’est pas fait pour gagner des concours, mais c’est pas franchement ce qu’on lui demande... Tant mieux !