Corton-Pougets Grand Cru 2014
Maison Louis Jadot

« Trois flacons assez incontournables dans la galaxie des vins en propriété chez Jadot, trois très grands vins qui tiennent leur rang ! Chapeau ! » Chers amateurs de Bourgogne, deux jours séparent ces quelques lignes d’une très belle dégustation organisée à la maison Jadot, où Frédéric Barnier, le chef de cave, m’a reçu pour prendre un peu la température des tous derniers millésimes. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’était fascinant, autant dans les conversations que dans le verre. Le premier petit détail qui m’a marqué est celui du virage amorcé vers le bio il y a deux ans pour la totalité des vignobles de la maison... Un effort considérable, qui équivaut à faire tourner le Titanic en termes d’organisation et de travail aux vignes, mais une suite logique pour la maison qui était déjà engagée dans cette voie. Autre sujet brûlant : le prix des vins et la fièvre du cours du raisin qui a bondi ces trois dernières années. Exemple : le prix d’une pièce de Charlemagne a été multiplié par six en trois ans... D’autres appellations ont augmenté de 100 % entre 2020 et 2021... Du délire total qui, pour une maison de cette taille et beaucoup d'autres, fait réfléchir à la longévité de leur modèle... Car les raisins achetés en négoce sont tellement chers aujourd’hui qu’il est impossible d’avoir des tarifs cohérents sur toute la gamme... Comment se sortir de là ? C’est une spirale qui fait grimper les prix, ce qui fait augmenter le foncier et, par la suite, les frais de succession... Espérons que cela se calme. Fort heureusement, la maison ne capitalise pas que sur une récolte, mais sur plusieurs, elle fait l’effort de commercialiser ses grands vins en propriété 4 ou 5 ans après la récolte, car elle le peut. La bonne nouvelle dans l’histoire, c’est que les prix ne sont pas délirants. Par exemple, le Corton Grand Cru Pougets, situé dans le lieu-dit Charlemagne là où la maison produit son blanc et une poignée de rouges, est à moins de 100 €. Pour le Grand Cru sur 2018, c’est une affaire magnifique ! J’ai aussi dégusté les 2014 qui, sur ce terroir, combinent un fruit croquant acidulé à un léger réveil automnal des saveurs. Même constat dans le Beaune Grèves blanc « Clos Blanc » qui, par son amplitude et son relief minéral, tutoie bien des Premiers Crus de Meursault qui valent presque 30 % plus cher aujourd’hui. Bref, il y a des pépites dans la gamme, certaines m’ont bien régalé. Plongez-vous dans le 'j’achète' pour saisir leur partition !

Une fois n’est pas coutume, commençons par les rouges et ce Corton Pougets que j’ai adoré lors de la dégustation. Frédéric Barnier me disait : « Nous sommes les seuls à avoir gardé ces pinots sur les marnes blanches des Charlemagne, les autres vignerons comme Rapet les ont arrachés pour y remettre des blancs, qui sont beaucoup plus rentables... » Encore une histoire d’argent… C’est dommage car les pinots trouvent sur ces socles géologiques un relief minéral superbe avec un côté poudre de craie, talc, qui s’étire derrière le fruit à noyau, la cerise, avec quelques touches ferrugineuses au nez. En bouche, ce vin est la rencontre entre le fruit pulpeux et le caractère séveux des Corton rouges. L’ensemble sur la vendange 2014, bascule tranquillement vers les nuances automnales, avec un bouquet complexe ! Puisqu’on est dans ce secteur, parlons du blanc, ce sont les vignes voisines, maison bien sûr... J’ai adoré la profondeur, le crémeux et l’allonge de ce Charlemagne 2018, qui ne rougit pas derrière le 2017 commenté l’année dernière. 2018 était une année productive et chaude mais le millésime se minéralise aujourd’hui et on sent que le pedigree du terroir vient lifter l’onctuosité de la jeunesse. Sa trame est impériale avec de l’ampleur, du sel, une allonge superbe. L’ambiance aromatique est fidèle aux blancs de la maison, avec la griffe Cadus (fûts) qui emmène le chardonnay sur des notes de maïs, de beurre noisette et d’agrumes confits. Un flacon qui vaut forcément plus cher mais qui, sincèrement, vaut le coup... Il est très complet et affiche une dimension gastronomique évidente. Le petit dernier de la série est une note de cœur de l’an passé : Les Grèves blancs à Beaune en Premier Cru ! Lors de “Bike to care” l’an passé (une course de vélo où chefs, sommeliers et vignerons du monde entier courent ensemble pour lever des fonds et financer l’éducation de personnes qui veulent se lancer dans le monde du vin), la maison avait servi un jéroboam de Grèves 2013... Une tuerie, qui venait titiller ce jour-là de beaux Meursault de Lafon, des Chassagne de Pierre-Yves Colin ou des Puligny de Sauzet... Depuis, je suis avec attention ce trésor qui boxe dans la cour de grands Meursault, notamment sur le millésime 2019 (magnifique) qui concentre encore plus les attributs de ce terroir à mi-coteau. Dans le verre, c’est ample, corsé, avec un gras sec de Premier Cru genre « Charmes » et une très belle minéralité en cœur de bouche. L’allonge n’est pas celle du Corton mais le millésime pousse derrière, j’en ai pris plein les papilles... Nouveau coup de cœur donc, sans surprise quand on voit l’alignement des planètes. Côté prix, c’est le prix d’un beau Premier Cru mais on reste sous les 100 €... C’est presque devenu impossible pour cette catégorie de vins en Bourgogne !