Saint-Émilion Grand Cru Premier Grand Cru Classé B 2006
Château Angélus

« De l’esprit et de la floralité en place des muscles... J’aime cette trajectoire choisie par le domaine avec des vins plus suaves, plus floraux, portés par un peu plus de cabernet franc que dans le passé. Sincèrement, jamais Angélus n’a été aussi fin et parfumé qu’aujourd’hui ! » Chers membres passionnés, il ne nous arrive pas très souvent d’écrire sur des châteaux iconiques de Bordeaux en dehors de la période des primeurs, mais voilà, il y a quelques jours, j’avais le plaisir de redécouvrir quelques millésimes d’Angélus et me suis surpris à devoir tirer mon chapeau pour ce domaine qui, depuis une bonne décennie, a fait demi-tour toute en termes de style dans ses vins. J’avais en tête, en effet, un dessin de vins construits sur la puissance, l’épaisseur et la concentration, appuyés par des boisés léchés et luxueux... Un style très désiré à la fin des années 90 et la décennie 2000 qui a toujours été très éloigné de mes goûts personnels. Mais voilà, c’est maintenant la fille d’Hubert de Boüard qui pilote les choix du domaine et en dégustant les 2016, et un très beau 2011, je me suis dit : rendons à César ce qui lui appartient. Dans les 2016, le duo « Carillon » et Angélus est assez scotchant il faut l’avouer. Tout le monde connaît la dimension athlétique, quasi parfaite de cette année qui rappelle 2010, mais au domaine, on profite d’une silhouette nettement affinée et de courbes qui enchantent les papilles. Le Carillon qui est un parcellaire bien précis et non un second vin, raconte l’histoire de merlots très enveloppants, qu’une pointe de menthol et de fleurs séchées égayent au premier tour de verre. J’ai pris pas mal de plaisir à le déguster en me disant : « Ah oui quand même... ». Derrière Angélus 2016 affiche une construction saisissante également, c’est la première fois que je ne sature pas en sensation sur ce vin. Le millésime est encore jeune mais laisse s’exprimer des parfums gracieux, sans boisé tapageur, et animé là encore, par l’énergie d’un grand millésime : du fond, du relief acidulé, de l’allonge, couplés à des tanins d’une grande discipline. On sent que le cabernet franc a pris plus de place dans la réflexion du domaine, ce qui lift la maturité des merlots qui peuvent parfois s’envoler sans prévenir dans les degrés. On notera aussi l’étincelle terroir qui paraît plus présente sur ce dessin de vin que dans le passé, avec des sensations salines qui animent la dégustation et qui étirent, surtout, tous les messages. Là encore, à la fin du verre je me suis dit : Ça a vraiment changé ! Ce petit moment gustatif s’est prolongé autour des 2011 du domaine, millésime oublié derrière 2010, mais que j’adore en ce moment à Bordeaux. Quand je bois des Pontet Canet 2011, des Cheval Blanc 2011 ou des domaines de l’A 2011, je me dis qu’on a peut être été un peu dur avec ce millésime qui régale aujourd’hui. Angélus joue cette carte, avec un millésime apaisé, légèrement automnal, qui combine des instances légèrement truffées au millefeuille noble des grands Saint-Émilion posés par le temps : feuille de tabac, poudre de cassis, fleurs séchées, réglisse. Les tanins sont désormais polymérisés, on peut profiter sans résistance à l’enveloppe charnelle des vins du domaine. Pour l’anecdote, ce millésime a amorcé la réflexion de la fille d’Hubert de Boüard et quand on le goûte aujourd’hui, on se dit qu’elle a été visionnaire ! Chapeau !

Bon, ne cherchez pas d’originalité dans cette vente flash, il n’y en a pas ! Angélus est un Premier Grand Cru classé A, un nom iconique du Bordelais et n’importe quel site internet qui fait du référencement en copiant la note de Michel Bettane ou de Parker pourrait vous le vendre et vous vendre même tous les millésimes possibles et imaginables... Moi, je vous dis simplement que sur ces deux millésimes 2016 et 2011, on saisit la vision et l’évolution de la patte maison. Je vous dis aussi que ces deux millésimes donnent ou donneront du plaisir car il y a vraiment un truc, un grain, une classe qui s’en dégage. Evidemment, c’est très haut de gamme et pas à la portée de tous, mais le Carillon est déjà très communicatif pour illustrer cette évolution au domaine. Pour moi, il vaut le coup, et croyez moi, c’est rare que je dise ça sur les grands crus classés de la région.