Saint-Émilion Grand Cru 2017
Château Tertre Rotebœuf

« Un style assez unique à Saint-Emilion qui fait des ravages auprès de ceux qui découvrent... Un vin qui marque forcément ! » Chers membres passionnés, hier soir à l’Atelier, 16 membres surchauffés découvraient une sélection de flacons de légende préparés pour cette masterclass à l’aveugle : Haut Brion 83, Montrose 09, Charmes-Chambertin 14, Petite Sibérie 14, Corton-Charlemagne 17.. Et une bonne dizaine d’autres. Pour chaque vin, nous mettions une note artistique, une note émotionnelle... un peu comme au patinage artistique, mais version Chais d’œuvre. Et c’est là que la magie de la découverte sans étiquette a opérée : le vainqueur pour toutes les personnes présentes (et de très loin) fut la Petite Sibérie d’Hervé Bizeul 2014 qui, par son tactile, sa classe, sa fraîcheur contrastée et sa maturité, a mis tout le monde d’accord... Pourtant, il y a avait du lourd en face comme on dit. Cette anecdote nous ramène au sujet de cette vente : Tertre Rotebœuf, le trésor de François Mitjaville qui, dès les années 90, est venu challenger dans les plus grandes dégustation à l’aveugle, des premiers grands crus de Bordeaux et d’ailleurs. A titre personnel, j’ai toujours apprécié le style des vins du domaine dont le jus, assez corsé et sensuel, propose un velouté de texture très charnel. Si on est loin des propositions d’Ausone et Cheval Blanc, qui sont un peu moins travaillés en cave, sincèrement dans le verre, c’est impressionnant ! Aujourd’hui, nous vous proposons une mini verticale du domaine en passant par 2019, le sublime héritier des 2016 au domaine : matière impériale, très sérieuse et séveuse, bercée d’un fruité ravageur et velouté. On notera sur les derniers millésimes un bois un peu moins prégnant et une quête de raffinement supérieure à ceux de la décennie 2000. On n’oubliera pas le relief, l’acidité naturelle des 2019 qui rappelle un peu les grands 2016. Bref, Tertre Rotebœuf 2019 est un monument et fera assurément partie des grands de la décennie comme le furent les 2010 et 2016. Il faudra l’attendre sagement. Derrière, 2017, ce millésime gélif à Saint-Emilion que j’aime beaucoup en ce moment : c’est un millésime pas trop puissant qui se livre de manière assez poudré sur toutes les propriétés de Saint-Emilion. Je repense en écrivant ces lignes au 2017 du Clos Fourtet que j’ai bu récemment, et fait le parallèle avec Tertre 2017 qui se montre plus floral et plus délicat en termes de structure. Assurément, c’est ce millésime qu’il faudra boire avant les 2016, 2015. Enfin, pour ceux qui ne veulent pas attendre, il faut bondir sur les 2008 : un millésime parfait aujourd’hui dont le fruit est intact, dense et profond, il y règne le noyau, le cassis en gelée, le cèdre, des pointes de myrte, de menthol, avec une pointe de truffe noire. En bouche, c’est classe, assez frais et les tanins sont fondus. Vous serez retournés de bonheur par la texture enveloppante de ce flacon.

Ne nous leurrons pas, un Tertre Rotebœuf est une bouteille onéreuse… Elle l'était beaucoup moins quand j'en servais chez Taillevent mais l'histoire est trop belle et les vins trop bons. Du coup, tout le monde en veut et les prix montent ! En relativisant, on peut se dire que c'est le même prix qu'un Las Cases qui produit 200 000 bouteilles par an. Ici, c'est 27 000 sur 6 hectares... On peut aussi se dire que c'est la moitié du prix d'une bouteille de Château Margaux-Latour-Lafite qui, eux aussi, font 200 000 voire 300 000 bouteilles... Ce qui reste à la fin, c'est tout de même le pied qu'on prend à ouvrir un Tertre Rotebœuf à maturité. Honnêtement, le domaine peut aligner 20 millésimes sur la table et vous bluffer à chaque fois même dans les millésimes les plus dilués ou difficiles... C'est cette régularité hors norme que saluent aujourd'hui les plus grands journalistes spécialisés et ce que viennent chercher les sommeliers du monde entier. En écrivant ces lignes, je ne peux m'empêcher de penser à Jean-Philippe, cofondateur de Chais d'œuvre qui avait "offert" des 2005 à ses employés... Il les avait payés une cinquantaine d'euros. Elles valent 6 fois plus cher aujourd'hui et je sais qu'il en a dans sa cave... Voici donc une poignée de bouteilles en provenance directe du domaine qui, d’un côté, vous aideront à remonter le temps, mais surtout, quelques flacons qui, lors d’un dîner bien pensé pour les fêtes de fin d’année, feront un véritable carton à table !