Vin de France Diplomate d'Empire 2021
Domaine Comte Abbatucci

Et dire que le domaine a failli tout perdre dans l’incendie de la cave en juin 2021… Vigneron au sommet de son art, Jean-Charles Abattucci a certainement vécu une des pires épreuves de sa vie en 2021, sa magnifique cuverie en bois, qui faisait la fierté du domaine, est partie en fumée 3 mois avant la vendange... Alors vous proposer aujourd’hui ces merveilles de l’Ile de Beauté sur 2021, c’est mélanger deux sentiments : le premier est celui de l’admiration pour ce vigneron qui malgré ces aléas, nous expliquait encore en janvier dernier, ses dernières trouvailles en termes d’agronomie et de respect du vivant. Il a mis au point un traitement des vignes à l’eau de mer pour limiter le soufre... Mais son génie ne s'arrête pas là : les vieux cépages endémiques replantés sur l'île de beauté, c’est lui. Les premiers grands vins fins, longs et harmonieux, c’est encore lui. Dans son sillon, Jean-Charles Abbatucci inspire toute une génération et jamais le niveau des vins Corse ne nous est apparu aussi homogène et vibrant qu’aujourd’hui ! Le deuxième sentiment est celui de la frustration : avec cet incendie d’abord, mais aussi le millésime qui n’a pas épargné la Corse par ses caprices : le gel, le cycle tardif, les raisins qu’il a fallu trier.
Mais on parle bien d’un domaine qui a forgé sa réputation sur l’excellence, et cela se lit dans toutes les cuvées de la gamme, même dans Faustine ! Vous allez donc pouvoir mesurer ce génie avec les parcellaires en rouge : Ministre et Monte Bianco, et en blanc : Général, et Diplomate. Dans le premier rouge, c’est la version « Chambolle » du Sciaccarellu qui vous attend, un rouge expansif, parfumé, peu tannique sur 2021 ( bien moins que sur des années solaires) qui vous embarque dans une tombée de fraises au sucre, et de baies du maquis. Beaucoup d'arômes, peu de structure, qui rendent la quille assez addictive, surtout chez ceux qui aiment les rouges longs, parfumés, sans corps massif. Dans Monte Bianco, l’équation se complexifie : sciaccarellu, niellucciu, morescola, morescono, montanaccia, carcajolo nero et aleatico. Ces cépages endémiques sont Infusés en vinification, et livrent un véritable ballet de sensations : nez complexe nourri d’une pointe fumée, avec des fleurs séchées, de la fraise encore, mais dans un registre plus sombre ; des épices derrière, mais qui corsent ( pardon pour le jeu de mot) sans durcir ! Niveau tanins, 2021 n’est pas comme les années plus solaires connues sur l'île de Beauté : trame suave, peu de retenue, une lecture immédiate des messages même si pour une telle quille, 2-3 ans s’imposent pour aller chercher plus de choses ! En blanc, ceux qui ont bu les 2014 de Jean Charles Abbatucci seront comme des dingues, car c’est bien dans ce profil de millésime que la magie opère... Un peu comme sur l’Hermitage d’ailleurs. Les vins portent moins de glycérol, plus de fraîcheur, et se minéralisent plus vite. Général sera le choix du compromis entre étoffe et sapidité, ses notes de fenouil, de cédrat, de citronnelle et d’amande sont superbes. On lit directement les messages dans cette grande cuvée, alors qu’il faut souvent attendre plus longtemps dans les années plus chaudes. Pour Diplomate, on retrouve plus de gras sec, j’aime dire que c’est un peu le Meursault Charmes de l'île de Beauté : texture impériale, tapissante mais pas pesante, superbe patine d’élevage et salinité en cœur de bouche. Le relief est moins agrumé que dans Général, mais pétard, que c’est complexe et magique de sensations !

Bon, ce n’est pas franchement une découverte ces parcellaires de Jean Charles Abbatucci, mais un rendez-vous.. UN must, comme le sont également les cuvées 174 du brillant Gérard Courrèges, ou les fameux « Ermite » de Gilles Séroin. Tous les passionnés de grands vins se rejoignent pour citer ces cuvées, comme la synthèse brillante de 20 ans de métamorphose en Corse, et ne crient pas au scandale en voyant leur positionnement tarifaire. Car oui, c’est haut de gamme, mais on est bien loin du délire affiché par la Bourgogne de 2023, où des jeunes trentenaires de Côte d’Or affichent des Meursault Genevrières à 300€... Oui, vous avez bien lu, alors vive la Corse, et vive les immenses cuvées de Jean Charles Abbatucci, qui nous régalent depuis plus de 10 ans chez Chais d’œuvre !