Vosne-Romanée 2020
Domaine d'Eugénie

« Solide, très solide même..., ça valait le coup d’insister un peu ! » Voilà ce que Hugues et moi nous disions il y a un an, en sortant d’une visite au domaine d’Eugénie, le micro domaine de Vosne-Romanée repris par le groupe Kering, propriétaire de Latour, Château Grillet, Clos de Tart... et depuis quelques jours : des 130 ha du groupe Henriot (Bouchard et Fils ; William Fèvre). Historiquement, je connaissais parfaitement le domaine puisque c’était la propriété « René Engel » qui produisait certaines des plus grandes bouteilles de Vosne ; des flacons rarissimes que j’ai servi avec passion pendant mes années chez Taillevent. Sur ce micro domaine de 4,3 ha, on ne s'embête pas avec les petites appellations, le parcellaire est juste éblouissant : Vosne Village, Vosne Clos Eugénie (plein cœur, magnifique parcellaire sous les grands crus), Vosne Brûlées, Grands Echezeaux, Clos Vougeot ... et même sur 2020, un peu de Montrachet. Du lourd quoi ! C’est Michel Mallard, chef de cave du domaine qui nous a reçus avec bienveillance, même si nous n’étions pas encore client du domaine. L’échange fût fascinant et riche, suffisamment pour comprendre, en tous cas, ce qui forge le style maison. D’abord, un petit mot sur les vignes, menées en bio depuis quelques années. Les rendements sont très serrés au domaine, presque trop compte tenu de la toute petite taille des parcelles. On vendange « mûr », mais pas confit, dans le but d’aller jusqu’au bout du rêve. Les villages accueillent un peu de vendange entière (30% en village, 50% en 1er cru, 70% en grand cru) avec différents tris : à la vigne, à la cave ensuite. Très peu de macération à froid, juste un petit refroidissement de la vendange intervient à la réception des caisses. Ensuite, c’est un process plus que naturel qui s'ensuit : fermentation en levures indigènes, pas de SO2 pendant toute la période de vinification et d’élevage. Une dose homéopathique vient fixer les vins à la mise en bouteille. Côté élevage, les vins passent en fûts François Frères et Saint Martin, avec 70% de fûts neufs. Voilà pour la recette, côté style, les vins offrent tous un fruit dense, d’une profondeur de goût à la hauteur de la concentration des baies. Ils sont tous habités d’un fond de gelée de baies noires, dominée par le cassis, qu’une pointe de bleuets et pivoines vient compléter. Les élevages, aussi luxueux soient-ils, se fondent assez bien dans cette matière. Dans la série, nous avons adoré les 2020 qui sont portés par une finesse et une plénitude que les millésimes n’avaient pas jusqu’alors. On sent la montée en précision de Michel Mallard sur cette vendange, avec un niveau assez bluffant. Parmi les must : Brûlées, Grand Echezeaux et Clos Vougeot. Lisez le j’achète pour un peu plus de détails.

Avant de plonger dans la gamme, un petit mot pour vous aider à cerner le profil de ces flacons rares (à peine 20.000 cols par an au domaine) : clairement, on ne joue pas au domaine la carte du pinot rubis transparent aux teintes joyeuses de petites groseilles et de noyau... Si c’est ce qui vous fait vibrer en Bourgogne, vous serez déçu. Si par contre, vous aimez les pinots assez profonds, bien élevés (dans ce style, on pourrait penser à Mortet, Charlopin, Perrot Minot, Serafin, Prieur) alors vous aimerez la déclinaison de la gamme et surtout ce millésime 2020. Commençons par le Vosne village qui s’étire sur plusieurs parcelles, 8 au total. Michel Mallard nous confiait qu’il accueille aussi les jeunes vignes des grands crus (Clos Vougeot et Grand Echezeaux), ce qui booste un peu son pédigrée. Il s’exprime par un fruité juteux, le bois ne domine pas (2 fûts neufs sur les 8 produits), avec une floralité liée aux 50% de vendange entière sur 2020. Une super entrée en matière pour comprendre le style et le millésime. Derrière le Clos d’Eugénie (parcelle qui épouse la cave) est un peu plus sanguin, on sent un peu plus les argiles de Vosne sur ce vin que dans le simple village. Cassis doux, pointe d’orange liée aux 50% de vendange entière, un peu de bois aussi. C’est pas immensément plus long que le simple village, mais disons qu’il y a un caractère plus trempé. On passe ensuite en « vitesse lumière » avec le Vosne Aux Brûlées, cette parcelle que certains d’entre vous connaissent bien chez Méo-Camuzet, toute proche des Richebourg. Là, c’est un vin d’une profondeur sublime, avec une résonance aromatique intense qui vous attend. Si la cuvée n’affiche pas la même dimension que les grands crus, sincèrement, on sait très vite qu’on n’est pas n’importe où. Au programme : gelée de baies noires, épices, pointe de moka et de fumé, fleurs séchées et hibiscus qui réhaussent l’ensemble de fraîcheur. La leçon de classe passe immanquablement par les Grands Echezeaux qui, comme tous les vins qui naissent dans ce secteur, sont touchés par une grâce tactile hors norme. En gros, pas le moindre caprice de tanins sur ce vin, la puissance est diffuse et délicate. Superbe longueur ! Dans le Clos Vougeot, c’est une carte plus épicée et sanguine qui s'invite. Les 2020 sont beaux car pas trop structurés, ce qui colle à la puissance naturelle du cru. On sent dès le bouquet cette dimension tellurique argileuse plus marquée. Bien enrobés dans le fruit sombre et porté par 33% d’élevage en pièces neuves, ce Clos Vougeot rend hommage à la signature du lieu. Il est un peu plus viril, plus musclé que les autres, mais quel charisme ! A boire dans 7-8 ans pour une ouverture optimale ! Un dernier petit mot sur le Montrachet, très rare (nous avons 2 bouteilles...) qui naît dans la partie sud du grand cru sur Chassagne (la meilleure à mon sens, là où sont ceux de Lafon, DRC, Ramonet). C’est un blanc au souffle mentholé, agrumé, et finement noiseté qui se livre dans un coffre digne de la légende. Pas trop de gras, mais une puissance aromatique magnifique qui nous rappelle combien le Montrachet est incopiable. Si vous pouvez vous payer ces flacons, n’hésitez surtout pas, ça décoiffera dans 7-8 ans en dégustation !