Alsace Burlenberg 2020
Domaine Marcel Deiss

« Un vin ne devrait jamais parler de cépage. Il devrait parler de lieu, de lumière, de texture. » — Jean-Michel Deiss

Chers membres passionnés,
Parmi les 120 domaines que je visite par an les vendredis, certains bousculent. Vous savez, ces domaines où l’on sort avec plus de questions qu’en y entrant, les yeux brillants, le cerveau en ébullition, et la bouche pleine d’images mentales. Mon passage chez Marcel Deiss il y a deux ans, fut de celles-là.

Dans le petit village de Bergheim se cache en effet un trésor de réflexion, de précision, d’émotion. Jean-Michel Deiss, vigneron-poète et génie agronome, y poursuit depuis plus de 40 ans une quête folle : celle du vin de lieu. Un vin qui ne parle plus de cépage, mais d’un sol, d’une pente, d’un écosystème vivant. Avec son fils Mathieu, il mène ce combat avec une cohérence admirable : densités extrêmes (jusqu’à 12 000 pieds/ha), taille basse façon bourguignonne, complantation systématique, et biodynamie de fond. Certains pensent qu’il est à contre courant de la région, mais la réalité, c’est qu’il ne fait que reproduire ce que faisaient les anciens…

Dans le verres, certains vins n’ont plus besoin d’être expliqués, ils sont déjà mythiques. D’autres, sont parfois artistiques (parfois un peu trop) , mais je suis là pour veiller à la précision… Les quelques vins présentés ci-dessous nous ont absorbé !

- Grasberg 2021 : coup de cœur absolu. Un vin-lumière, tendu, fuselé, au nez de citron vert, de sabayon, de zestes confits… Imaginez ine tarte citron meringuée liquide, posée sur un fil de quartz. Sublime ! ( et rapport prix plaisir de dingue ! )

- Engelgarten 2023 : floral, juteux, étincelant d’équilibre. Une dentelle minérale qui joue avec les fruits blancs, le fenouil sauvage, la fleur d’oranger. Le vin que vous videz sans vous en rendre compte, mais en vous demandant à la fin, comment tout cela est arrivé jusqu’à votre verre !

- Schlossberg 2022 : infusé de granite, de citronnelle, de sarriette, avec cette allonge traçante, presque saline, qui signe les très grands terroirs.

- Schoffweg 2022 : plus retenu, mais quelle précision… Le vin semble suspendu, tout en vibrato, entre pierre chaude et infusion de tilleul.

- Burlenberg 2020 : le rouge iconique du domaine, expression indomptée de pinot noir (et autre chose ? on ne sait pas, on s’en moque), dense, terrien, incroyablement vivant. Certains millésimes m’ont laissé sur le bord de la route, mais 2020 est précis, donc je valide !

Et puis… il y a le Mambourg et Schoenenboug. Je leur dédis un J’aime j’achète spécial, mais le Bourguignon vous invite à cocher la case : Mambourg, qui est un peu le Meursault Charmes d’Alsace. Un vin droit dans ses bottes calcaires, à la texture ample et crayeuse, au nez de noisette, de fruits blancs, de roche chaude. Un vin de lieu, d’ampleur, de tenue. Il évoque à l’aveugle un grand Bourgogne — certains Perrières de Gouges m’ont traversé l’esprit. Et pourtant, il est unique. Ce vin est la preuve vivante qu’un grand blanc, quand il est enraciné dans un sol riche et conduit avec exigence, peut renverser tous les codes. Pour les autres, plongez directement dans le texte de chaque fiche !

J’achète, parce que chez Deiss, on pense le vin comme une œuvre de l’esprit. Pas une mode, pas un marché. Une œuvre. Qui fait dialoguer le lieu, le temps, le végétal, l’humain. Ces vins demandent un peu de concentration, mais vous rendent mille fois votre attention.

Et puis, j’achète parce que cette Alsace-là est en avance. Loin devant. Elle nous rappelle que les grands blancs peuvent durer 30 ans, qu’ils n’ont pas besoin d’un cépage sur l’étiquette pour exister, et qu’un jour viendra peut-être où les 77hl/ha des grands crus ne feront plus rire personne. Ce jour-là, on dira peut-être que Deiss avait raison. Moi, je le pense déjà, et je pense aussi que le sucre résiduel dans certains vins est un atout, pas un défaut…