Châteauneuf-du-Pape Barbe Rac 2008
Maison M. Chapoutier

Tordre le cou aux idées reçues, surtout à celle qui dit que seuls les millésimes intenses et puissants ont de belles évolutions ! Chers membres passionnés, écrire ces quelques lignes autour de la série de grands vins à maturité de Michel Chapoutier est avant tout un regard posé sur une évidence : non, il n’y a pas que les millésimes chauds, intenses et solaires qui évoluent avec panache en Vallée du Rhône, au contraire... D’autres millésimes, parfois plus frais, affichent, dans bien des cas, des courbes magnifiques avec le temps mais personne ne le dit vraiment… Mathieu et moi avons des idées très claires à ce sujet et dans la foulée de pépites découvertes au stand Chapoutier lors de Vinapogée, nous souhaitions partager avec vous quelques coups de cœur. Le premier est un 2008, vous savez, ce millésime dit « froid » en Vallée du Rhône... Le genre de millésime que les palais du nord et les Burgundy lovers adorent car sans glycérol, sans sucrosité dans bien des cas. Nous avons adoré le Châteauneuf du lieu- dit Barbe Rac dans ce millésime : un Châteauneuf né dans la pure tradition, vinifié en grappe entière et élevé uniquement en cuve 16 mois, un peu comme les vins de chez Charvin ou de Villeneuve. J’ai adoré la composition de ce vin à parfaite maturité dont les instances truffées, cendrées, un peu chocolatées, croisent des petites notes de poudre de tomate et de sous-bois. En bouche, on garde suffisamment de chair pour prendre du plaisir, tandis que les tanins jouent la carte d’une trame sensuelle ! Superbe quille, prête à boire et très complexe. Je la préfère mille fois à celle des années chaudes ! Dans la même veine, il y a le Pavillon 2007, ce grand Ermitage que les aficionados s’arrachent surtout dans les années solaires... Le 2007 n’en est pas une et pourtant... Ce fut un pur bonheur de mettre des mots sur cette syrah totalement apaisée, au relief poivré, épicé, où les touches de graphite épousent un peu de moka et de baies sauvages. Sa longueur n’a d’égal que son pédigré de terroir, le vin impressionne par sa persistance. Là encore, on notera l’apogée tactile de ce magnifique flacon et le tempérament qu’il dégage... Quand vous aurez bu ça, vous oublierez les notes de Parker et ses fameux points...car c’est l’esprit et le raffinement qui comptent dans un grand vin, pas les muscles. Pour les aficionados de blancs, pensez à L’Orée 2014, immense quille ou aux fameux Granits qui, en magnum, défient le temps avec panache. Dans les magnums de 2001 que Michel nous a ressortis, le vin est au sommet de sa complexité, avec des notes confites d’agrume, du miel, un peu de truffe blanche, le tout livré sur un coffre crémeux et long. Son grand frère, le Méal 2001, rappelle combien la hiérarchie des terroirs est somptueuse en Rhône nord et que l’Ermitage reste un de nos plus grands socles géologiques. Là, vous prenez les sens du Granits 2001, vous rajoutez l’allonge, la minéralité, l’énergie.. Une immense bouteille à sortir en automne, soit sur de la truffe blanche ou sur un plat bien pensé autour des premières morilles...

Des millésimes à point, tous conservés dans l'œnothèque du domaine qui fait l'effort de garder beaucoup de grands vins pour les ressortir à maturité ! Chapeau à Michel Chapoutier de pratiquer cette rotation sur son stock de parcellaires, elle nous permet de découvrir et redécouvrir, parfois, les courbes de ces terroirs une fois les années passées. Peu de vignerons font cet effort et mis à part quelques restaurants étoilés, plus personne ne prend le temps d’attendre ces grands flacons. Alors par ces quelques lignes, nous aimerions vous inviter à cocher des cases, avec, vous l’avez compris ici, quelques années plus froides. Mon palais de bourguignon adore et mon portefeuille de sommelier passionné aussi car ces flacons sont plus abordables dans bien des cas. Goûtez-les et vous verrez.