Dão A Centenária 2020
Antonio Madeira

"Le plus grand vigneron du Portugal ? Difficile de faire des raccourcis aussi rapides, mais si ce n’est pas encore le cas, ça le sera dans quelques millésimes, c’est certain !"

Chers membres passionnés, vous connaissez sûrement ma passion pour les vins du Douro, les grands Porto et plus largement pour les plaisirs de ce pays dont on ne mesure pas la richesse et le fabuleux patrimoine variétal de vignes ! Pendant des années, je vous ai parlé de Dirk Niepoort, vigneron hallucinant, visionnaire, qui a poussé les curseurs des grands vins secs du Douro à des sommets de profondeur et de raffinement. Goûtez aux Redoma Reserva, aux Coche ou à une cuvée Charmes et vous verrez ce que je veux dire ! Mais depuis 2 ans, je suis littéralement scotché par la proposition d’Antonio Madeira, un néo-vigneron qui opère depuis 2010 dans le Dão, cette région qui, à une époque, produisait les plus grands vins du pays. Les écrits ont très souvent souligné la qualité des « grands crus des hauts plateaux du Dão » avant qu’ils ne tombent en désuétude, plombés par l’économie du pays.

Pour la petite anecdote, Antonio Madeira est franco-portugais, il a grandi en France et fait de brillantes études (École Centrale, excusez du peu) et s’est imprégné de la culture des grands vins de l’hexagone avant d’oser retourner sur la terre de ses ancêtres. Il y a un an, j’ai eu la chance d’animer une masterclass autour de 45 vins étrangers pour Valade et Transandine, un importateur exceptionnel de l’hexagone, qui distribue les meilleurs domaines du globe hors France. C’est là que j’ai pu rencontrer Antonio et participer à une dégustation horizontale de toutes ses cuvées en mesurant l’intelligence, la vision et le bonheur, surtout, des vins proposés. En termes de taille, c’est minuscule : 8 ha plantés à 6000 pieds avec de très vieilles vignes où tout est fait à la main... Une viticulture titanesque où les travaux en biodynamie accompagnent des travaux à la pioche, seul moyen, dixit Antonio, d’approcher ce matériel d'âge vénérable sur des terrasses non mécanisables. De ces vieilles vignes, il tire, selon l’inspiration et l'expérience, une gamme sans faute de Dão éblouissants. Son modèle : Henri Jayer (vigneron de légende de Vosne) chez qui il aimait les vins « salivants, sapides, longs »… On pourrait penser qu’au Portugal, ce genre de vins est complexe à faire mais c’est, là encore, trop rapide comme raccourci. J’ai adoré la gamme, même depuis la petite cuvée qui assemble des vins du domaine à un petit négoce bio. Économiquement pour lui, c’est un gouffre, un non-sens même, mais c’est surtout un laboratoire pour cet homme qui réfléchit aussi vite qu’il agit !

Si vous avez envie de comprendre le style : la quille à goûter au départ de sa gamme se nomme A Palheira, une quille de très grande classe : 50 % de baga qui est, au Portugal, le pendant du nebbiolo en Piémont, et le reste d’autres cépages autochtones sélectionnés dans 20 parcelles de vieilles vignes. Dans le verre, c’est sans mentir, niveau Premier Cru de Côte de Nuits, un vin riche en sensation, sur les fleurs, les baies sauvages, des notes de résineux aussi qui, en bouche, affiche une stature et une sapidité admirable. Les tanins sont superbes, cintrés par des élevages en 500 et 600 litres !
Honnêtement, je mets les 50€ sans forcer dans cette bouteille et plutôt deux fois qu’une ! Derrière, l’ascenseur émotionnel est encore plus fou sur les parcellaires car plus on monte, plus c’est fin et touchant.

A Centenaria est une vigne de 130 ans, 45 cépages différents avec 50 % de jaien (mencia). Ces clones du 19e n’ont rien à voir avec ceux que l’on trouve ailleurs selon Antonio. Dans le verre, on plane : ça ne se décrit pas, ça se vit, avec une floralité enchanteresse et beaucoup de classe en bouche.

Point d’orgue de la gamme des rouges : Os Granitos, 3000 m2 de vignes centenaires mais sur granite. Ici, les granites dynamitent le cœur de bouche d’une acidité salivante hors norme, elle étire tous les messages floraux et épicés dans un tourbillon de sensation qui fait lever les yeux aux ciels. Un genre de Clos de la Roche mais version portugaise !

Impossible de terminer ces quelques lignes (trop longues, je sais) sans parler du blanc, totalement addictif aussi dans ce millésime. J’ai adoré ses petites touches céréalières, sa petite touche de fleurs des champs, sa fraîcheur aussi. Je m'arrête là, même si c’est dur…

Franchement, j’ai tout dit dans le j’aime, j’adore la vision du bonhomme, le projet, la réalisation, le style... Moi, je dis que tout est dans le verre, il faut se pencher sérieusement sur ce que fait Antonio Madeira, surtout si vous voulez avoir une longueur d’avance, un peu comme lui !