Petit Chablis 2023
Domaine Moreau-Naudet

“Un de mes styles préférés à Chablis… Délicieux jeunes et fabuleux à 10 ans... Des vins qui, avec deux-trois années de bouteille, tutoient en plaisir certains Raveneau ou Dauvissat !”
Cette petite phrase va faire bondir les aficionados de ces domaines de légende, en se disant : comment ? J’assume ! Je vous le dis et signe en dessous : si les vins de Dauvissat et Raveneau à Chablis ne sont pas attendus une bonne dizaine d’années, les ouvrir est un infanticide et ça ne sert à rien de s’en procurer !

La preuve, lors de la Paulée de l’Anjou Noir à Saumur, un des convives de ma table débarque avec un magnum de Forest 2014 de Dauvissat... Sur le papier, c’est une bombe. Dans le verre, c’est un vin comprimé, bridé au SO2, pas franchement vibrant... C’était 5 ou 7 ans trop jeune, minimum. Autre gamelle récente pour un Raveneau 2015 dégusté à l’aveugle chez Fred Savart... On n’aurait même pas dit Chablis tant les messages paraissaient troubles et le vin peu en place !

Alors, quand on sait ce que valent ces vins sur le marché et toute la spéculation organisée autour de ces domaines de légende, je vous pose la question : que cherchez-vous vraiment ?
Si ce sont de grands Chablis qui offrent texture, volupté, allonge et précision, une des plus belles adresses que je vous conseille, c’est Moreau-Naudet.

Chez Chais d’œuvre, on adore... Je dirais même qu’on est complètement fans. Avec les vins de chez Bessin et Benoît Droin, c’est depuis quelques millésimes un des domaines que j’achète le plus pour ma cave perso ! Et c’est à Virginie Moreau que nous devons aujourd’hui ces merveilles qui, dans les traces de son mari Stéphane, parti bien trop tôt, perpétue sa vision. Des Chablis cristallins, purs et sapides, imprimés par leurs sols...

Des Chablis de grand style mis en marché 24 mois après la récolte, posés par de longs élevages (c’est très rare dans l’appellation). Même le village ou le Petit Chablis, qui sont merveilleux, connaissent ce traitement. On ne peut s'empêcher, en y goûtant, de faire le parallèle stylistique avec certains vins de Benjamin Dagueneau qui, avant le départ brutal de Stéphane, offrait de précieux conseils à ce domaine.
Voici les 2023, millésime brillant sur l’appellation malgré les rendements chargés du millésime.

Plongez dans le j’achète pour comprendre leurs nuances, mais avant de cliquer, rappelez-vous qu’il n’y aura pas de 2024… Tout a été sacrifié par la grêle dans l’appellation !

Bon, ceux qui comme moi ont bu les 2022 du domaine savent que l’on tient là un des métronomes de l’appellation ! J’ai souvenir d’un Forest 2022, bu au printemps de cette année sur la terrasse, qui à 3 ans était déjà sublime ! Je pense pouvoir dire que 2023 prolongera ces sensations de spontanéité, avec peut-être un poil plus de légèreté, et un peu moins de gras sec en sensation, mais avec une superbe lecture des sols !

Le Petit Chablis et Chablis Village sont déjà très épanouis dans ce millésime, et livrent sans retenue ce que le pédigrée promet. Des notes de coquillage, de pomme verte et d’agrumes rendent le premier percutant et savoureux.

Le Chablis offre une trame plus ample, mais garde cette lame de fond sapide qui éclaire la finale. Deux entrées de gamme remarquables, qui, comme je vous le disais dans le j’aime, se distinguent du reste de l’appellation par les longs élevages !

Concernant le reste de la gamme, la cuvée « Caractère » naît d’une parcelle que les Moreau-Naudet isolent. Une très vieille vigne plantée sur l’excellent terroir des Pargues, en crête des premiers crus Montmains et Vosgros.
Dans le verre, ce vin a toujours été comparé à des premiers crus, car les sous-sols minces et caillouteux intensifient les messages minéraux, donnant aux vins une intense empreinte minérale et cette expression iodée tout à fait caractéristique.
Les vignes, assez âgées (75 ans), ont échappé au sujet des rendements très élevés du millésime, qui fut, pour les blancs, très productif !
On notera la quête de pureté de Virginie autour de ce vin, avec très peu de bois (10 %).

On monte dans les tours avec les premiers crus : Forest, Montmains et Montée de Tonnerre.
Le premier est toujours ma Madeleine de Proust au domaine, c’est le premier cru qui affiche les courbes les plus ciselées. C’est un poil plus intellectuel comme vin en jeunesse, mais avec un peu de bouteille, c’est juste magique.

Je repense aux 2015, que je commentais dans les masterclass en ligne pendant le Covid, une bouteille fabuleuse qui combine le volume et l’allonge de son rang à l’étincelle minérale marine du cru.

Montmains est moins fuselé et joue, comme d’habitude, la carte de l’amabilité : 1er cru en demi-corps, avec volume, ampleur, relief minéral appétant. C’est, derrière le Forest, le 1er cru qui met tout le monde d’accord !
Misez sur lui si vous aimez les textures avenantes, ou sur le Forest si vous cherchez plus d’accroche minérale.

Dans le Montée de Tonnerre, les passionnés de Chablis le savent, on tutoie les Clos !
Ce terroir met toujours un peu plus de temps à se livrer en bouteille, mais une fois les chevaux lâchés, on s’approche des grands crus niveau sensations !
Une lame de fond minérale omniprésente emmène ce flacon avec rythme, l’étoffe est plus ample, sans pour autant paraître pesante !

Un petit mot enfin sur les Valmur, véritable icône de ce grand cru (un des meilleurs à mon sens), qui offre la puissance, la largeur, le fond minéral poudré, et cette longueur lancinante qui éternise les messages.
Là, aucun doute sur le fait que vous adorerez ; la seule question qui compte est plutôt : saurez-vous l’attendre au moins 5 à 7 ans pour en profiter ?