Saumur-Champigny Bay Rouge 2020
Domaine des Closiers

L’histoire, vous la connaissez sûrement si vous lisez régulièrement ces "j’aime-j’achète" (vous avez peut-être déjà bu les fameux Trézelières ou Coudraies dans vos coffrets), mais concernant Bay Rouge, vous ne trouverez rien…

Entrons dans les détails pour comprendre la naissance de ce vin exceptionnel. Bay Rouge est le nom cadastral d’une très vieille vigne exposée ouest, assise sur des argiles vertes à affleurements calcaires.

À la reprise de son domaine en 2019, Anatole Delabrosse, le visionnaire des Closiers, n’avait pas encore pris toute la mesure de ce terroir peu productif. Mais en découvrant davantage la parcelle, en appréhendant son cycle, en goûtant les raisins, Anatole a compris qu’il y avait de la magie dans ces vieilles vignes, et un goût peu commun. Lui vint alors l’idée — comme l’ont fait les frères Foucault au Clos Rougeard — d’isoler cette parcelle et de l’emmener jusqu’au bout du rêve : une vinification à part, un élevage long, voire très long (36 mois, c’est rare dans la région), et une mise sur le marché presque cinq ans après la récolte ! Mis à part le Clos Rougeard et Pierre Gauthier, personne ne fait cela ici.

Dans la vendange 2020, ce projet s’est concrétisé avec un jus intense (à peine 20 hl/ha), un rapport peau/jus différent et une matière qui appelait à de la patience. Anatole a donc joué la carte des fûts Dussiaux, comme au Clos Rougeard, et étiré cette matière qui en avait tant besoin.

En janvier 2024, après deux mois de masse, le vin était mis en bouteille, et il arrive aujourd’hui, 13 mois plus tard, un peu avant les autres, sur le site de Chais d’œuvre.

Dans le verre, c’est un vin impressionnant, d’une grande classe. Les 36 mois en Dussiaux neufs ne prennent pas le pas sur le fruit. Le vin est animé d’une trame poudrée, séveuse, très parfumée, où se glissent de la poudre de cassis, des baies sauvages, du cèdre, un peu de graphite, avec une pointe de menthol. En bouche, j’ai été scotché par la manière dont s’articulent les messages : à la fois intenses, et posés sur un grain fin. Bref, un grand vin est né, et nous avons déjà hâte d’être dans 4 ou 5 ans pour voir se poudrer encore un peu plus cet immense flacon.

Et si vous n’avez pas encore bu les autres cuvées du domaine, goûtez ne serait-ce que la simple cuvée 2022, diabolique d’efficacité. Vous retrouverez aussi les Trézelières, qui est aussi un monument !

4 fûts sur 2020, 3 sur 2021, 3 sur 2022… Que ce soit clair, on ne parle pas d’un Saumur-Champigny sympa que vous trouverez chez le petit caviste du coin. La distribution de ce nectar va se faire au compte-gouttes, chez les pros qui ont cru — un peu avant les autres — au projet d’Anatole !

Côté prix, c’est du haut de gamme, mais j’aimerais rappeler que ce flacon représente cinq ans d’investissement et d’efforts. En face, un Bourg du Clos Rougeard ou un 1er cru de Trapet vaut le double, voire le triple… et à la question : est-ce que c’est bon ? La réponse est venue de Nady Foucault himself qui, en goûtant, a dit : « Très grand vin ! »