« Les 2020 peuvent-ils tenir tête aux immenses 2019 de la région ? Réponse dans le verre ! » Chers passionnés, vous lisez depuis des mois nos louanges sur l’Alsace, ses terroirs de feu, ses talents et surtout, son équation prix-émotion-potentiel de garde qui, lorsque l’on attaque les Grands Crus, est juste fabuleuse. Chez Jacky et Antoine Barthelmé au domaine Albert Mann, nous sommes à genoux devant les 4 derniers millésimes du domaine qui, en blanc comme en rouge, affichent des jus d’une pureté sidérante et des équililbres géniaux sculptés sur des terroirs de haut pédigré. En mars dernier, je suis passé au domaine pour faire une petite review des 2019 et 2020, ce qui m’a permis de comparer ces deux belles vendanges côte à côte. Des 2019, on retiendra évidemment le sel, la concentration, la densité des rieslings Grands Crus... Sur le papier, c’était idyllique mais pas que... Quelques fermentations qu’il a fallu relancer sur des lies de 2020 par exemple dans le Furstentum. Dans le verre en tous cas, c’est beau, intense, poignant même sur certains terroirs. Dans les 2020, on baisse un peu la concentration, mais côté fermentation, inertie des matières, c’était super. Les vins sont purs, assez sapides, sans épaisseur ou glycérol chagrinant. Je me suis bien régalé du Crémant 2020 qui, sans exagération, fait partie des meilleurs de la région. Des bulles fines, ouatées, posées sur un vin qui en dit plus que beaucoup d’autres... Ça devrait servir de modèle dans les écoles d’œnologie car en termes d’identité et de sincérité, ce vin pose des bases sérieuses, très sérieuses même. Côté riesling, Albert fait plaisir au premier tour de verre, avec du lime, un peu de cédrat, des petites touches d’infusion. Sec, sapide et dynamique, il fuse en bouche sans trop d’amertume et fait un ravage sur son passage auprès des papilles. C’est le vin d’un beau ceviche, d’un tartare estival, d’un chèvre frais travaillé aux herbes. Côté persistance, c’est un Alsace avec une petite cape dans le dos ! Carafez le, offrez lui de beaux verres, et vous verrez ! Dans le Schlossberg, je vous ramène aux commentaires faits l’an passé : la pureté du granite, des essences délicates de citronnelle, avec un corps de bouche qui se recentre en ce moment. J’ai bu une bouteille récemment et la différence en un an est juste stupéfiante. Encore un an ou deux dans une bonne cave, et c’est le kiff total, comme l’attestent en ce moment les 2018. Furstentum est la pièce maîtresse de l’œuvre du domaine et un incontournable si vous aimez l’impact des calcaires. Le riesling gagne en gras sec, en étoffe de bouche, tout en livrant du sel au cœur d’une matière mûre. Jeune, ce sera ambiance pêche de vigne, agrumes confits, herbes fraîches. À maturité, vous plongerez dans un confit de citron avec des nuances de caramel d’orange. Le vin gagne en gras, ce qu’il perd en sensation acidulé et on en prend plein les papilles. Une immense bouteille de gastronomie qui exige un homard aux sucs d’orange !
Bon, on pourrait citer la presse, les louanges des grands journalistes autour des vins du domaine pour enfoncer le clou.. Mais est-ce bien nécessaire ? Voyez dans cette proposition de 2020 du domaine, une des lectures les plus pures et les plus sincères des grands terroirs d’Alsace. Voyez aussi la régularité de ce domaine qui peut aligner 15 millésimes côte à côte sans la moindre fausse route. Les personnes qui étaient présentes à la soirée « Rencontre avec Jacky Barthelmé » vous parleront avec des trémolos dans la voix du jéroboam de Schlossberg 2004 servi sur des goujonnettes de bar au beurre citronné d’Arnaud Vanhamme, MOF écailler. C’est dans ce genre d’expérience qu’on prend toute la mesure de l’immensité des terroirs d’Alsace et surtout de la magie que propose les vins du domaine quand ils sont bus à maturité ! Avis à ceux qui ont une bonne cave !